Le Ruisseau du Tordoir


Le Ruisseau du Tordoir


L’ancien nom du Ruisseau du Tordoir était le Mine, c'est-à-dire le Minnebèque ou le Minnebeek.


Ce cours d'eau est évoqué dans le quatrain suivant :


Les exilez par ire, haine intestine

Feront au Roy grand' conjuration,

Secret mettront ennemys par la mine,

Et ses vieux siens contre eux sédition.


Le Mine, c’est l’ancien nom d’un ruisseau bordé de prairies, prenant sa source dans les prés situés entre le Hameau du Climont et le Hameau de la Place à l’Aulnoit, passant entre, au nord, le centre du Village d’Ellezelles et, au sud, le Hameau de Fourquepire (dont le nom évoque également une pierre levée remarquable), puis poursuivant son cours à proximité de la Ferme d’Anaise (mentionnée sur la Carte de Ferraris comme la Ferme d'Hubertmont) et de la Ferme de Beaumont, où il croise la Chaussée Brunehaut, avant de descendre vers le centre du Village de Wodecq, après lequel il reçoit les eaux du Ruisseau du Ronsart.


Il est repris sur le Plan Popp comme le "Grand Ruisseau du Tordoir".


A l’époque d’Yves de Lessines, les gens désignaient de plus en plus généralement ce cours d’eau comme le Ruisseau du Tordoir, en raison de l'ouvrage hydraulique qui avait été construit sur son cours. Un tordroir, c'est un moulin qui servait à presser des graines pour en extraire de l'huile. Cet ouvrage existe toujours et ses propriétaires en proposent la visite ; il se trouve à quelques jets de pierre du Site du Blanc Scourchet.


En 1276, le Viel Rentier d’Audenarde mentionne déjà ce moulin à eau. Mais, le même document évoque également le ruisseau à plusieurs reprises sous son ancienne dénomination, le Minebèque, qui reprend la prononciation picarde du mot flamand Minnebeek, c’est-à-dire, très littéralement, le Ruisseau du Mine. L’étymologie du mot de doit pas étonner dans une région de frontière linguistique située au nord de la « Civitas Nerviorum », la Capitale des Nerviens, c’est-à-dire Tournai. Ainsi, nous devons aux Francs énormément de noms de lieux, à commencer par les noms de nos villages et hemeaux, qui se trouvaient sur le territoire des Saliens. La signification du mot ne manque pas de charme : le Mine, c’est l’Amour. Le Minnebeek, c’est le Ruisseau d’Amour.


Pour l’explication du vers, « mettront », employé à plusieurs reprises par Yves de Lessines dans son poème, dans le sens primitif dérivé du latin « mittere », signifie « envoyer ». L’ancien mot « enmis » fait partie des « faux amis », qui signifient tout autre chose que le sens que nous leur prêtons d’instinct ; ce sont les pires ennemis du lecteur. Ici, notre mot « ennemi » est un vrai ami, car dans l’ancienne langue un « enemi », plus rarement écrit « enmi », c’est en réalité un ami. « Par » peut signifier : « le long de », mais aussi : « du côté de » ou « dans la région de ».


Dès lors, le vers peut supporter plusieurs significations complémentaires, comme toujours en inversant le temps de la conjugaison :

- En secret, ils ont envoyé les amis le long du Mine ;

- En secret, ils ont mis les amis dans la région du Mine ;

- Ils ont mis le secret dans la région du Mine.


Un autre exemple de l’utilisation du mot « mettre » ou « mittre » :


Le part soluz mary sera mittré,

Retour conflict passera sur la thuille :

Par cinq cens un trahyr sera tiltré,

Narbon & Saulce par contaux avons d'huille.


Ce quatrain concerne l’acheminement du trésor templier provenant du sud du Royaume de France : la partie d’en dessous sera envoyée par la mer.


En aval, après le village de Wodecq, le Ruisseau du Tordoir est alimenté par le Ruisseau du Ronsart.


A cet endroit, on se trouve au confluent du Rosne et du Mine. C'est « la fin du Rône » dit le texte des Centuries dans le vers suivant :


Flambeau ardant au ciel sera veu,

Près de la fin et principe du Rosne,

Famine, glaive, tard le secours pourveu,

La Perse tourne envahit Macédoine.


Tout l’art de l’énigme consiste en particulier à  révéler des choses cachées par le moyen d’énoncé étranges et d’associations impossibles sur le plan de la logique rationnelle, mais qui sont destinées à attiser la sagacité du lecteur, s’il est animé par un vrai désir plutôt que par une vaine curiosité.


Aussi s’avère-t-il impossible de se trouver à la fois près de la source et du delta du Rhone, plus de 800 kilomètres séparant son origine, près du Col de la Furka dans les montagnes du Valais Suisse et la Plaine de Camargue, où il rejoint la Mer Méditerrannée.


Pourtant, la solution de ce problème est scandaleusement simple pour n’importe quel habitant des Terres de Débat : le Rosne n’est pas le Rhône, mais provient de l’expression le « Rone Sart », c’est-à-dire le Sart du Rône. Le mot « rosne » ou « rône » provient du terme gaulois « rodena », qui signifie simplement : « cours d’eau » ; c’est donc l’hydronyme le plus courant chez nos ancêtres. Des « rosnes », il s’en trouve partout. Qu'il s'agisse d'un ruisseau ou d'un fleuve, c'est toujours un « rosne ». Un sart n’est rien d’autre qu’un lieu défriché, de sorte que le ruisseau dans son entier a pris le nom d’un endroit particulier de sa vallée où il traverse un tel terrain. C’est de la même manière que le Minebèque a été appelé le Ruisseau du Tordoir, parce qu’un moulin à huile avait été installé sur sa rive. En agriculture traditionnelle, « sarter » ou « essarter » consistait à brûler les branches des arbres et le sous-bois pour livrer un taillis à la culture durant quatre ou cinq ans, avant de rendre le terrain à la forêt pendant une vingtaine d'années. Le terme apparaît au début du douzième siècle, dans le sens de labourer et défricher une terre, notamment dans le Roman de Renart : « La terre est de novel sartée ».


La Carte de Ferraris montre que, peu après ses deux sources, en sortant du Bois de La Hamaide, le ruisseau traverse le Hameau du Ronsart, qui s’inscrit nettement au creux d’un vallon défriché amputé sur la zone boisée adjacente. Sur la carte topographique de l'Institut Géograpique Nationale, le Ruisseau du Ronsart prend précisément naissance dans une zone défrichée au lieu-dit « Cambron »...


A partir de la Croix Philosophe, en regardant dans la direction du Hameau de la Pierre, on peut suivre, dans le creux de la vallée, tout le cours du Ruisseau du Ronsart, depuis sa source dans le Bois de La Hamaide, jusqu’à son confluent avec le Minebèque, c'est-à-dire le Ruisseau du Tordoir, où leur réunion forme une rivière qui sert de principal affluent au Ruisseau d'Ancre.


Ainsi est-il évident que le Site du Blanc Scourchet se trouve à la fois près de la « fin » de ce cours d'eau et de sa source, c'est-à-dire son « principe », le lieu dont ses eaux tirent leur existence. Pour un érudit comme Yves de Lessines, cette subtilité de langage peut se référer au débat philosophique sur la transcendence du principe, que Plotin illustre précisément par l'image d'une source, qui ne tient son orgine de rien d'autre et qui se distingue du fleuve qui en provient.


L'ensemble du bassin hydrographique du Village de Wodecq est décrit succinctement dans le quatrain suivant :


Dedans les isles de cinq fleuves à un,

Par le croissant du grand Chyren Selin :

Par les bruynes de l'air fureur de l'un,

Six eschappez, cachez fardeaux de lin.


Tout comme la Carte de Ferraris, la carte hydrographique actuelle de la Commune d’Ellezelles montre que les cours de cinq ruisseaux, ruisselets ou rus qui s'y écoulent depuis les pentes boisée qui entourent la vallée se rassemblent progressivement pour former la Rivîr, c’est-à-dire la Rivière, dont le Hameau de la Rivière tire son nom, qui renforce le cours des eaux du Ruisseau d'Ancre.


Sur le versant nord du Hameau de la Pierre, le Ruisseau du Tordoir est alimenté, d'abord par le Ruisseau du Gogan, et, ensuite, par le Ruisseau d’Hubermont, dont le cours est renforcé par le Ruisseau du Ribeaucourt, ce qui donne trois cours d'eau.


Sur le versant sud du Hameau de la Pierre, le Ruisseau du Ronsart est alimenté par le Riu du Buis, qui était autrefois dénommé le Ruisseau de la Blanche, qui draine les prairies de la Ferme de Cambronchaux, ce qui donne deux cours d'eau supplémentaires pour former les « cinq fleuves » évoqués par le texte des Centuries.


Le cours sinueux de ces cinq ruisseau forme « les îles » évoquées par le quatrain. Venant de Moustier en prenant « le chemin des montagnes cavées » (X.49) conduisant vers le Calvaire du Dieu des Monts, puis vers le Hameau du Gauquier, c'est-à-dire le « mont gaulsier » (V.57), la route aboutit en ligne droite jusqu'au Ruisseau de Ribeaucourt...


C'est la réunion des deux plus importants, le Tordoir et le Ronsart, qui forment l'affluent le plus important du Ruisseau d’Ancre. Venant de Flobecq, il traverse le Village d’Ogy, puis le Village de Ghoy, et reçoit encore quelques affluents, avant de se jettre finalement dans la Dendre en aval de la Ville de Lessines ; cette rivière est un affluent de l’Escaut, leur confluent se situant à Dendermonde.


D’un emploi vieilli ou régional, le mot « ru » désigne un petit ruisseau (Synonyme : ruisselet).