Série 6 : Mortagne-du-Nord


Sixième série

Mortagne-du-Nord


Au Moyen Age, un château-fort s'élevait au sommet de la colline qui domine le confluent de la Scarpe et de l'Escaut, dans le but de surveiller cette zone frontière stratégique. En effet, l'Escaut marquait la frontière féodale entre le Comté de Flandre, qui relevait du Royaume de France, et le Comté de Hainaut, qui relevait du Saint Empire Romain Germanique. De plus, le territoire situé entre la Scarpe et l'Escaut constituait l'Ostrevant, sur lequel le Roi de France, Philippe-le-Bel n'a pas cessé de vouloir exercer son emprise au détriment du Comte de Hainaut.


L'Ostrevant


Pendant le Haut Moyen Âge, l'Ostrevant constituait un "pagus" de la "civitas" des Atrébates, le "Pagus Austrebantum". Son territoire s'avançait au sud-ouest jusqu'au Tronc-Bérenger (Abbaye Saint-Nicolas d'Arrouaise). Sailly était la dernière localité de l'Ostrevent du côté de l'ouest. Il est possible que la Naville Tortue, qui se jette dans l'Escaut en amont de Bouchain, ait autrefois constitué la limite du côté de l'est. La dénomination de deux localités situées sur chacune des rives de ce ruisseau permettent de penser à sa fonction frontralière, à savoir Marcq et Marquette, mais la Sensée a probablement été considérée par la suite comme la véritable frontière. Sont citées comme localités de l'Ostrevent : Bouchain, qui est le siège du Comté d'Ostrevent à partir de 880, Sailly-en-Ostrevent, Noyelles-sous-Bellonne, Gouy-sous-Bellonne, Estrées, Hamel, Férin, Lambres-lez-Douai, Douai, Guesnain, Erchin, Émerchicourt, Aniche, Rieulay, Marchiennes, Hamage, Somain, Abscon, Mastaing, Rœulx, Lourches, Escaudain, Hornaing, Hélesmes, Hasnon, Wallers, Wavrechain-sous-Denain, Hérin, Anzin et Bruille. Les traités de Verdun (843) et de Ribemont (880) ont placé le Comté d'Ostrevent dans le royaume franc occidental


Les Seigneurs de Mortagne étaient en même temps les Châtelains de Tournai, qu'ils détenaient à titre héréditaire. Cette châtellénie dépendait du Comte de Flandre. Son siège était le Château-Fort du Bruille, situé sur la rive droite de l'Escaut, dans la zone marécageuse qui lui a donné sa dénomination. Par contre, la ville bénéficiait de large privilèges accordés par le Roi de France. En effet, il s'agissait d'une place stratégique pour affirmer l'autorité du roi à l'égard de son suzerain, le Comte de Flandre. 


Marie de Mortagne était la fille de Jean de Mortagne, qui était mort en 1279, et de Marie de Conflans. Seule héritière de la Seigneurie de Mortagne et de la Châtellenie de Tournai, elle se trouva fort courtisée pour ces deux possessions qui intéressaient les deux princes pour lesquels la Flandre avait une importance spéciale : le Comte de Flandre, d'une part, et, d'autre part, son suzerain, le Roi de France.


VI.63

La dame seule au regne demeuree (1)

L’uniq esteinct premier au lict d'honneur(2)

Sept ans sera de douleur esplouree (3)

Puis longue vie au regne par grand heur (4)


Vers 1


La dame seule
Marie de Mortagne

au regne demeuree
Dame de Mortagne et Châtelaine de Tournai


Vers 2


L’uniq esteinct premier
Jean Vierzon, mari de Marie de Mortagne

au lict d'honneur
présumé mort à la bataille de Courtrai en 1302


Vers 3


Sept ans sera

a été pendant 7 ans

de douleur esplouree
une veuve éplorée, accablée de douleur et de chagrin


Vers 4


Puis longue vie
Après 7 ans, elle aspirait

au regne par grand heur
à un destin favorable


X.4

Sus la minuict conducteur de l'armée (1)
Se sauvera subit esvanouy (2)
Sept ans après la fame non blasmee (3)
A son retour ne dira oncq ouy (4)


Vers 1


Sus la minuict conducteur de l'armée
Jean de Brabant, époux de Marie de Mortagne
Jean de Vierzon


Vers 2


Se sauvera subit esvanouy
a pris la fuie et a disparu subitement


Vers 3


Sept ans après la fame non blasmee

Après 7 ans, Marie de Mortagne croit que son époux est revenu


Vers 4


A son retour ne dira oncq ouy
Marie de Mortagne accepte son prétendu époux comme tel


En 1302, le Châtelain de Tournai était Jean de Brabant, Seigneur de Vierzon. Il avait suivi son père à la Bataille des Eperons d'Or près de Courtrai et y avait périt dans la fleur de l'âge.


Son épouse était Marie de Mortagne, selon Robert Fawtier dans son article sur "L'aventure de la Dame de Mortagne", reprenant les données d'Armand Herbomez, dans son "Histoire des Châtelains de Tournai et de la Maison de Mortagne. Par contre, dans sont "Histoire de Tournai et du Tournésis", Alexandre-Guillaume Chotin parlait de Marie de Conflans.


La veuve éplorée pleure longtemps son défunt époux. Deux imposteurs dit des "Louez-Dieu" profitent de la situation. Il persuadent Marie de Mortagne que Jean de Vierzon vit toujours et qu'il s'est réfugié dans un ermitage situé à Louvain. Après 7 ans, il reparaît tout à coup. Il se présente au Château du Bruille, le 23 février 1309, accompagné du Comte d'Evreux, qui n'est autre que le frère du Roi de France, Philippe Le Bel. Marie de Mortagne quitte ses habits de deuil. Trop empressée de retrouver son époux, elle l'accueille avec joie et partage avec lui la couche nuptiale sans se faire prier. Lorsque sa tante vient lui rendre visite à Mortagne pour la féliciter de son bonheur retrouvé, elle conçoit des doutes sur l'identité de l'époux. Sans attendre, le "Louez-Dieu" s'éclipse nuitament et se rend auprès de Philippe Le Bel, à qui il vend la Seigneurei de Mortagne. Après cette mésaventure, Marie de Mortagne finit par mourir de désoeuvrment vers 1312.

Le treisième et dernier Châtelain de Tournai sera son oncle, Baudouin de Mortagne, qui avait épousé l'unique fille de Gilles de Landas. Il vendra la Châtellenie de Tournai à Philippe Le Bel en 1313, ce qui mettra fin à la présence flamande au centre de la ville.